Figure équestre royale Bini Edo - Vendu

Cheval et cavalier dans l'art africain

Une très belle attitude du personnage, particulièrement détaillé avec de nombreux apparats que l'on peut retrouver jusque dans la région "Oyo" du Nigeria (Sud-Ouest). Un bouclier circulaire très peu commun et superbe de son maillage très fin ; l'on retrouve le casque classique, le sabre cérémoniel, l'armure toute en finesse dans sa conception, la base des plastrons ciselés avec des détails très harmonieux.

Le cheval est aussi dans une esthétique singulière en limite du baroque, comme cela était de mise, avec des ciselages pouvant aussi se retrouver chez les Tiv. Cela était assez fréquent après le XVIème. Une pièce dite de bronze, en laiton coulée à la cire perdue, probablement de par sa teinte, associée à du cuivre en petite quantité et à de l'étain, une belle pièce Edo très bien conservée.

Le royaume de Bénin dans l'art africain

On a retrouvé à Bénin plus d'une demi-douzaine de statues équestres ainsi qu'une plaque de laiton représentant un homme à cheval, qui ont fait l'objet de multiples interprétations. Von Luschan fut probablement le premier à spéculer sur l'identité du personnage à cheval. Selon lui, il devait s'agir d'un étranger. Les attributs et la tenue vestimentaire du cavalier ont conduit Dark à avancer qu'il s'agissait plutôt d'un guerrier Yoruba. Quant à Fagg, il était convaincu qu'il avait affaire à un émissaire de l'un ou l'autre émirat du Nord.
Tunis et Karpinski remirent ces assertions en question. Pour eux, il s'agirait d'un roi de Bénin. Selon Tunis, le cavalier est l'Oba Ehengbuda (vers 1578-1608) qui porte l'uniforme des hommes de la cavalie Yoruba d'Oyo, et la statue commémore la conquêtes d'Oyo par cet Oba. Karpinski se rallie à Ben-Amos qui pense que le cavalier représente Oranmiyan (vers 1200), fondateur de la présente dynastie, qui a importé les chevaux à Bénin. Selon la tradition orale, ces statues auraient eu pour but de souligner le statut d'étranger d'Oranmiyan, originaire d'Ife.
Comme nombre de ces figurines portent sur le visage les mêmes scarifications en forme de moustaches de chat que les Nupe et les Igala qui vivent au Nord du royaume de Bénin, Nevadomsky a suggéré que le cavalier pourrait être l'Attah d'Idah, roi des Igala. Idah était la capitale d'un royaume pouvant se prévaloir d'un système politique magistralement centralisé qui, dans les années 1515-1516, tenta à plusieurs reprises d'arracher les régions du Bas-Niger au contrôle des Edo. L'Oba Esigie et son armée non seulement refoulèrent l'armée de l'Attah aux portes de Bénin, mais se vengèrent en se lançant avec succès à la conquête d'Idah. Une cérémonie de palais commémore cette victoire grâce à laquelle Idah devint une ville-état vassale de Bénin.

Dans un essai plus récent, Nevadomsky soutient la thèse selon laquelle le cavalier est l'Oba Esigie (vers 1504-1550), un des trois grands rois guerriers de Bénin, en invoquant le fait qu'il porte des vêtements mi-européens, mi-cérémoniels  edo et que ses armes sont de fabrication locale. Le cavalier du Liverpool Merseyside Museum a été daté de 1560 par thermoluminescence, avec une marge de plus ou moins quarante ans. Cette datation, qui correspond au règle de l'Oba Esigie, confirme la thèse de Fagg selon laquelle les statues équestres les plus raffinées remonteraient au XVIème siècle. Le British Museum conserve aussi une plaque de laiton représentant Esigie à cheval et célébrant sa conquête d'Idah.
D'autres plaques mettent en scène des guerriers de Bénin à cheval et leurs adversaires. On a aussi retrouvé des bracelets en ivoire, des chasse-mouches et des idiophones représentant des cavaliers, l'Attah d'Idah et des visiteurs portugais. 

Le rôle symbolique et cérémoniel du cheval est richement documenté. Dans une région infestée de mouches tsé-tsé dont les piqûres sont mortelles, aussi bien pour le bétail que pour les chevaux, le roi faisait chaque année son apparition à cheval, suivi d'un cortège de bouffons, de musiciens et de serviteurs. En 1505, le roi Manuel du Portugal fit parvenir à l'Oba Esigie un cheval avec caparaçon, coiffe et bonnets de soie et de lin, ornés de perles de corail.
Ces cavaliers portent une étrange coiffe qui ajoute à leur prestige et dont la partie supérieure est une couronne ancienne, faite d'épis de maïs évidés ou de feuilles de palme tressées et remplies d'amulettes. Les coiffes surmontées de plumes rouges (la couleur de la guerre, de la vitalité et de la puissance), provenant de la queue de perroquets gris d'Afrique occidentale, symbolisent l'omniscience et les pouvoirs surnaturels. Elles sont également portées par les prêtres et lors de mascarades rituelles villageoises. Le bandeau de perles, qui sert à maintenir la coiffe en place, est en même temps un insigne de chef.
La large collerette semble s'inspirer d'une aquarelle allemande ou espagnole de l'époque, ou est peut-être la copie d'une collerette que le roi du Portugal aurait offerte à l'Oba. La tunique en cuir est un uniforme de guerre indigène, rituellement traité et orné de cauris qui servent traditionnellement de monnaie et symbolisent la prospérité. Une des figurines porte sous cette tunique une cotte de mailles. Le porte d'une armure en métal dans cette région est largement documenté. Certains cavaliers sont revêtus d'un pagne de raphia tissé ou de pans de cuir cousus, remonté sur la hanche gauche.

Cette figurine équestre porte un bouclier plat en roseaux tressés, puissant porte-bonheur censé le protéger contre l'ennemi. Ces boucliers ressemblent aux plateaux dont les femmes se servent au marché. Ils font l'objet d'aphorismes et sont encore portés de nos jours sous la forme de pendentifs, non pas par des soldats comme on pourrait le croire, mais curieusement par des voleurs. La lance est une arme typique de Bénin.
Les éperons sont probablement en raphia ou en fibres de chanvre et symbolisent la force comme les éperons du coq. Les chevaux sont parfois équipés d'une selle faite d'écorce d'arbre, d'abord mise à tremper, puis mise en forme et enfin mise à sécher. Mais, la plupart du temps, les cavaliers montent sans selle, ni tapis de selle, ni pommeau ou rênes. Le harnais des chevaux consiste en une simple bride sans mors et leur crinière est ornée de clochettes et de grelots dont le tintement a pour but d'intimider l'ennemi. Le socle est orné d'un motif synonyme de longue vie. Seules les moustaches de chat dont certains cavaliers sont affublés continuent de poser question.
L'histoire de ces figurines équestres s'échelonne sur plusieurs siècles, les dernières datant même d'un passé très récent. Elles ont de multiples significations qui parfois se recoupent.

Plusieurs siècles après la création de ces bronzes, l'explorateur Belzoni croqua une série de figurines similaires trônant sur un autel d'ancêtres royaux. En 1892, l'Oba Ovonramwen offrit comme cadeau de mariage au marchand J.H. Swainson une statuette équestre qui est aujourd'hui conservée au Liverpool Merseyside Museum. La population locale tend à associer un cavalier à un chef et, de manière plus générale, à l'esprit de conquête et à l'impérialisme. C'est ainsi que les cavaliers, avec ou sans scarifications faciales, ont fini par être hissés au rang de statuettes commémorant la guerre que Bénin et Idah se sont livrés pour établir leur hégémonie sur les régions du Bas-Niger, et de manifeste iconographique du pouvoir politique et mystique de Bénin.

Bibliographie : Collectif (2007). Bénin cinq siècles d'art royal. Editions snoeck, 449-450 pp.

Vendu
01410

Fiche technique

Datation présumée
Milieu XXème siècle
Dimensions
53 x 40 x 17 cm
Ethnie
Royaume Bénin / Bini Edo
Matière(s)
Bronze
Pays
Nigéria
Provenance
Collection d'art tribal Royaume Uni
État général
Excellent

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