Statue Teke Buti

Dans le corpus artistique traditionnel des Teke (groupe ethnique du Congo Brazzaville), toutes les statues sont exécutées pour être vues de face lors des rites où elles interviennent.

Les coiffures élaborées permettent parfois de présumer la position socio-politique qu'occupa l'ancêtre représenté. Ainsi le chignon occipital et le cimier médian se rencontrent-ils souvent chez les chefs et notables de haut rang. Ils évoquent, comme la barbe, l'idée de dignité et de sagesse.

Les statues tribales des Bateke interviennent dans diverses institutions rituelles qui se fondent essentiellement sur les notions de nkira et de buti.

Les bankira (sg. nkira) sont des esprits de la nature dont l'origine est tantôt mythique ou indéfinie, tantôt historique ou familiale, et qui se manifestent au niveau des entités politiques ou dans les familles (afflictions par divers symptômes).

Le buti (pl. mat) est cette entité magique que les Kongo et les Yaka désignent par le terme nkisi.

Seuls nous intéressent ici les buti et les nkira qui exploitent les figurines sculptées dans leur système de représentation.

Grosso modo, on peut dire que les nkira définissent les actions rituelles positives qui procèdent de la volonté des ancêtres d'assurer le bien-être à leurs descendants, alors que dans le système buti les actions et les buts visés sont souvent ambigüs et égoïstes.

Ces deux entités surnaturelles peuvent être associées à divers supports matériels tels que statuettes, boîtes en écorces, paquets ou sachets en raphia et en cotonnade, marmites en terre cuite, fonds de calebasse, etc.

La consécration d'une statuette se réalise suivant une procédure rituelle précise, qui vise à opérer une sorte de transmutation du simple objet sans valeur à l'image, la représentation d'un ancêtre.

Le rituel de consécration d'une statue comme celle-ci consiste essentiellement en la préparation des médecines symboliques, leur introduction dans les différents réceptacles et l'invitation de l'esprit à venir occuper la demeure qui lui est ainsi préparée.

La masse d'ingrédients qui enrobent la statuette peut devenir si importante qu'elle arrive à dissimuler tout le tronc du personnage, ce qui confère à celui-ci une attitude d'équilibre et de puissance. L'objet ainsi consacré devient alors nkira ou buti c'est-à-dire un objet de culte.

Les charmes buti sont nombreux et divers. Leur emploi couvre tous les secteurs de la vie: divination, protection contre la sorcellerie et les mauvais sorts, acquisition facile d'une force ou d'une richesse, vengeance, etc.

Les Teke distinguent trois grandes catégories fonctionnelles de buti: ceux qui interviennent dans diverses thérapies (buti bwampaam), les "fétiches" de chasse (buti bumbyuu) et les "fétiches" de protection ou de vengeance (ewo).

Les charmes bankira à figurines sculptées sont principalement des ntswo ou représentations d'ancêtres qui se manifestent pour assurer le bien-être de leurs descendants agnatiques.
La nomenclature de ces esprits et les rituels qui leur sont voués rappellent les fonctions qu'exerçaient les ancêtres de leur vivant.

Il existe par conséquent une gamme variée de ntswo: ntswo mpu représentant un ancêtre-chef, ntswo mutsuli, un ancêtre-forgeron et ntswo mubi, un ancêtre-chasseur, etc.

On ne peut distinguer ces objets rituels les uns des autres qu'au niveau de leurs fonctions principales, de la nature des substances symboliques qui emplissent les réceptacles des statuettes au moment de leur consécration, et parfois par quelques objets subsidiaires qui les entourent.

Il n'existe pas toujours un lien très net entre les traits morphologiques des sculptures et le type de rituel où elles interviennent comme supports ou représentations d'esprits.

En d'autres termes, les figurines ne peuvent être classées en types morphologiques distincts qui coincideraient avec les différentes catégories fonctionnelles auxquelles elles appartiennent.