Les arts d'Afrique sur trois générations
Un siècle, c’est la durée depuis laquelle la famille belge Soubry originaire de Diksmude est liée à la République démocratique du Congo et à l'art africain traditionnel.
Sur près de cent ans de présence et d'intérêt pour le Congo, la famille Soubry a collecté un impressionnant ensemble d'objets parmi lesquels de remarquables exemplaires de masques Songye du bwadi bwa kifwebe, d'importantes statues de pouvoir Songye mais aussi une vaste panoplie d'objets Pende, Kongo et du nord du Congo dont des céramiques, instruments et boucliers traditionnels.
Notre galerie a la chance de pouvoir vous proposer en exclusivité d'autres œuvres de la collection familiale Soubry, voir tout en bas.
Chronologie d'un siècle de collecte
Michel Soubry père : les premiers contacts au début du XXe siècle
Tout commence en 1922, lorsque Michel Soubry part pour le Congo où il est employé par la Cotonco, l’une des trois plus grandes entreprises du pays, avec la Forminière et l’UMHK. Il y décèdera en 1932 à Kongolo (province du Tanganyika, ex Katanga).
Sa sœur Madeleine arrive quant à elle au Congo également dans les années 1920 avec son époux Michel Moncarey, médecin dans la région aurifère de Kilo Moto entre les localités de Watsa et Bunia (provinces du Haut-Uele et Ituri). Jusqu’en 1963, le couple prodigue des soins médicaux dans des hôpitaux et dispensaires avant de fonder une clinique à Bunia.
Adelin, le puîné, diplômé de la Koloniale Hogheschool d’Anvers est accompagné de son épouse Ivonne Hoornaert, fille du premier commissaire de police de Knokke. Tous deux embarquent à bord du paquebot Thysville à Anvers pour rejoindre Matadi en 1928. Adelin occupe le poste d’agent territorial à Ruyigi puis à Kitega, en Urundi. Le couple donne naissance à Yolanda en 1929 et Fernand en 1930.
Le couple rentre en Belgique pour six mois en 1931. La famille reprend du service dès 1932 à Muhinga, toujours au Burundi. Lors de cette période, Adelin s’intéresse et se familiarise avec les cultures Tutsi (la classe aristocratique dominante), Hutu (agriculteurs et serviteurs) ainsi que Batwa (chasseurs pygmoïdes).
De cet intérêt commence à émerger une passion pour la collecte d’objets tels que vanneries, poteries, boucliers et couteaux.
Adelin et sa famille quittent le Burundi fin 1939. Le père de famillest alors nommé administrateur principal de territoire à Aketi, dans la région du Bas-Uele (nord-Congo).
Dans cette zone cohabitent les groupes ethniques Binza, Boa et Zande. Jusqu’à la fin de cette mission, en 1943, Adelin affinera sa passion et ses connaissances des arts de cette région très prolifique en statuettes et masques.
Plusieurs missions l’attendent encore jusqu’en 1947 dans le nord du Congo au cours desquelles il découvrira les arts Mangbetu, Avungara, Abarambo, Kumu, Metoko et bien d’autres encore. Ses dernières missions l'amènent à Stanleyville (Kisangani) jusqu’en 1955.
Dans ces contrées volcaniques, les inspections qu’il mène lui font découvrir les traditions et œuvres d'art Mbole. En 1962, période agitée politiquement, Adelin fait l’objet de menaces et décide donc de rentrer en Belgique. Il y décèdera l’année suivante, léguant sa collection à son fils Fernand.
Ainsi s'achève la première génération de la collection Soubry.
Fernand Soubry : poursuite de l'œuvre paternelle
Imprégné dès l’enfance par les traditions et arts du Congo, Fernand prend grand soin de l’héritage paternel composé de nombreux objets du nord du pays. Résidant à Knokke au terme de ses études, l’inextinguible appel de la brousse et des contrées inconnues bat en lui, ce qui l’amène en 1960 à se rendre chez des amis de son père établis dans la région de Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika.
Ce séjour de plusieurs mois lui permet de découvrir les rites du bukishi et de mettre la main sur ses premières pièces Songye : masques et fétiches.
Fernand réitérera ces séjours dans le sud du pays en quête de formes sculpturales et de traditions africaines.
Le troisième quart du XXème siècle fut propice à l’étude des cultures ethniques grâce à la facilitation des déplacements en comparaison de l’avant 1950. Passionné mais respectueux des autochtones, il eut ainsi le privilège d’assister à l’usage d’objets dans leur contexte rituel et parfois d’en obtenir par le troc ou en remerciement.
Au cours des décennies, son impressionnante villa devint un musée familial privé où furent regroupées plusieurs centaines de pièces de tous horizons, majoritairement congolaises.
Michel Soubry fils : évolution et mise aux enchères de la collection familiale
Fernand transmet à son fils Michel le goût des arts. Installé à Walhain-Saint-Paul (Brabant wallon), ce dernier complète encore l'importante collection familiale par des acquisitions en salles de vente, lors de foires et auprès de galeristes. Sa sensibilité l’amène à explorer l’art contemporain et les arts européens qu’il se plaît à marier avec soin aux objets d’Afrique dans sa somptueuse demeure.
En 2022, un ouvrage est dédié à la collection dans le cadre de la dispersion de celle-ci sous le marteau de l'expert Dimitri André. Une vente qui a rencontré un très franc succès justifié et mérité.
Fin d'année 2023, l'une des pièces de la collection, une remarquable statue de pouvoir Nkishi encore dotée de ses accessoires magiques, est adjugée 13 200$, plus de trois fois sont prix initial, chez Arte Primitivo, maison de vente aux enchères new-yorkaise.
Une belle plus-value pour l'heureux collectionneur ayant revendu le fétiche et un adoubement par le marché de l'art tribal africain.